« Charlie, tu viens demain au match des Hawks ? » « Non mec, il n’y a pas moyen, je dois aider ma tante à déménager demain. Elle s’installe à Bishopville, un petit coin tranquille, elle dit que ce sera mieux pour sa fille. Tu sais, les ados… » Je me surprends alors à froncer les sourcils, et à demander, comme si soudainement, j’étais intéressé par cette excuse pourrie : « Sa fille ? Tu ne m’avais pas dit une fois qu’elle ne pouvait pas en avoir ? » « Ouais, mais elle a adopté. Il y a quatorze ans. Une fille qui était trop jeune pour la garder. » Je demeurai alors choqué, incapable de demeurer insensible à ce propos. Pourtant, c’était tout simplement impossible. Ça ne se pouvait pas que les coïncidences aient fait qu’elle ait été adoptée par la tante d’un de mes collègues, et que de ce fait, cette fille soit la cousine de Charlie. Pourtant, je décidai de m’y accrocher, et finalement, je lui dis : « Dis… Charlie, si jamais tu trouves le moyen, tu peux demander à ta tante si elle a le nom de la mère biologique de… » « De Meredith ? » Je hochai positivement la tête, un peu timide, si bien que mon ami me demanda : « Pourquoi tu veux savoir une chose pareille, en fait ? » Tentant de dissimuler mes émotions, je haussai les épaules, puis je répondis : « Oh… Pour rien. C’est juste par curiosité. Mais si tu as l’info, tu me dis, d’accord ? » Charlie me regarda alors en fronçant les sourcils, et je ne fus même pas surpris qu’il affirme : « T’es vraiment bizarre toi quand tu veux ! Mais oui, si je peux, je vais lui demander ! » « Merci, je te revaudrai ça ! » Puis, comme si nous n’avions plus rien à nous dire, ou plutôt, que Charlie avait eu tellement peur de ma demande et de son étrangeté, celui-ci quitta la pièce, me laissant alors seul avec mes pensées pendant un instant. En premier, avec un recul, je me rendis compte que j’avais été légèrement stupide d’avoir demandé une telle chose, parce que malgré tous les éléments qui concordaient, et qui ne voulaient pas dire grand-chose, au final. Il fallait que je me fasse à l’idée qu’il allait me donner une réponse qui ne faisait aucun sens. C’était obligé, il n’y avait pas moyen qu’il me dise quelque chose qui allait me parler, et par le même fait, remonter de vieux souvenirs, des erreurs que je ne voulais pas répéter, que je ne pouvais plus répéter.   « Hayden, ça ne se peut pas, mets-toi ça dans le crâne. Là, quand il reviendra, tu iras t’excuser d’avoir demandé une telle stupidité. Espère juste que Charlie voudra te parler après ça, parce que, si tu te souviens bien, il ne sait rien. »

« Il se passe quoi, les gars ? » Normalement, trois personnes et plus agglutinées autour du babillard où il y avait une tonne de messages peu importants, c’était anomal, d’où ma curiosité. Bien rapidement, je me fis répondre « Ils ont ouvert un poste dans un petit bled pourri. Tu fais tout, mais pour des équipes locales, pas connues du tout. C’est ridicule. » J’eus un petit rire sarcastique, ayant déjà pris pour acquis que je n’allais certainement pas quitter mon poste pour une histoire comme ça, puis finalement, je me fis prendre au jeu, et je regardai l’annonce, restant tétanisé lorsque je vis le nom de la ville où la personne qui prendrait le poste serait envoyée : Bishopville. Une cloche tinta dans ma tête ; c’était la ville où Charlie avait aidé sa tante à déménager, il y a environ une semaine de cela. J’eus alors un pincement au cœur, et je demeurai bouche-bée, si bien que j’entendis alors une voix me dire « Ça va, Hayden ? » Je secouai alors la tête, et je fis un sourire un peu bête avant de dire : « Oui oui, tout va bien ! » avant de m’excuser et retourner à mon bureau. Une fois assis, à l’abri des regards indiscrets, je sortis mon téléphone de ma poche, puis j’appelai ma messagerie pour réécouter ce message de Charlie que je n’avais pas su effacer, et qui disait : « Salut Hayden, c’est moi ! Écoute, ma tante m’a trouvé pas mal bizarre, mais elle a déniché l’information ; la mère de Meredith s’appelle Brittany Claybourne. C’est pas mal tout, mais c’est ça que tu voulais, alors voilà. Tu me remercieras avec un paquet de bières à mon retour. Salut ! » Ce message avait tout changé, et surtout, m’avait prouvé que je n’avais pas été si cinglé que cela d’avoir vu une coïncidence dans tout cela, la semaine d’avant. Pourtant, je n’avais pas bougé, puisque je me voyais bien mal débarquer auprès d’une famille que je ne connaissais pas, tout cela pour apprendre à connaître une gamine qui ne savait pas qui j’étais, qui n’en avait aucune idée et surtout, sans aucune raison. Puis, je repensai alors à cette fameuse affiche, ce poste à Bishopville. Là, j’aurais mon excuse pour habiter non loin, parce que selon les dires de tout le monde, cette ville était minuscule, et limite, Charlie pourrait peut-être me présenter à son oncle et sa tante. Après, il faudrait bien sûr que j’opère ma magie pour approcher la petite sans avoir l’air suspect. Peut-être que je n’avais pas le droit de faire cela, mais l’envie de connaître cette enfant me rongeait, surtout que j’avais été totalement impuissant dans le choix de son destin, et que je le regrettais. Finalement décidé, et je me levai pour aller voir mon patron. Je frappai à sa porte, et puis, je scellai mon destin en affirmant, nerveusement : « Dis, patron, pour le poste à Bishopville, je serais peut-être intéressé… » J’ignorais dans quoi je venais de m’embarquer exactement, mais pour une fois dans ma vie, je ne voulais pas lâcher prise, ou au moins, je voulais tenter quelque chose, ne pas rester les bras croisés, quitte à tout sacrifier. Peut-être ça vaudrait le coup, peut-être pas, ce serait là le moment de le savoir.