« Max ! » C'est bien souvent dans la famille où vous êtes né qui détermine si vous allez être heureux ou si vous n'allez pas l'être. En le cas concernant Ruth, elle est née dans une famille assez pauvre, toujours à penser aux économies. Éteindre quand on peut la lumière, faire prendre le bain à tous les enfants dans la même baignoire, ou ce genres de choses auxquelles une personne de catégorie normale ne penserait certainement pas. Pourtant Ruth a pris chacun de ses bains avec ses petites sœurs. Et avoir un aîné alcoolique et drogué n'aide pas.
« MAX T'ES OU BORDEL ! » Hurla Ruth. Elle n'avait pas pour habitude de jurer mais après avoir cherché pendant une heure son frère dans toute la ville, sa patience avait un peu été mise à l'épreuve. Sa mâchoire se serra et son pas s'accéléra ; elle fulminait de colère. C'en était trop ! Pourquoi à chaque fois c'était elle qui devait le traîner lorsqu'il était tellement défoncé que faire un pas devant l'autre le faisait systématiquement tomber ? Mais Ruth aimait son frère malgré cela. Elle marcha à nouveau vers une boîte de nuit. Devant l'entrée, avant qu'elle ne pénètre dans le bâtiment elle entendu des bruits assez spéciaux. fronçant les sourcils elle s'avança et vit Max assis par terre contre le mur, un sachet avec de la poudre blanche dans les mains et une bouteille à côté de lui.
« Tu es là... » Dit Ruth en s'approchant de lui, tellement soulagée de le voir vivant encore une fois.
« Ruth ?... » Demanda-t-il d'une voix étrange, à cause de la défonce et de la fatigue.
« Je suis là maintenant, on rentre à la maison. » Dit-elle en tentant de le relever.
« Je veux pas... » Ruth se laissa alors tomber à côté de lui. Elle en avait assez de devoir lutter sans cesse, d'être la grande sœur modèle qui se plie aux ordres de ses parents et qui n'a plus de temps pour elle.
« Donne m'en s'il te plaît. » Dit-elle en désignant le sachet. La jeune femme prit un bout de carton qui traînait par la et son frère lui fit la traînée de poudre. Ruth plia un ticket de métro et se pencha pour aspirer toute cette drogue. cela lui faisait un peu peur, elle n'avait jamais fait cela auparavant, elle venait tout juste d'avoir seize ans et il était temps pour elle de profiter de sa jeunesse plutôt que de s'enfermer dans sa vie familiale. Finalement elle se pressa la narine pour bien faire rentrer tout ça et posa sa tête contre le mur. Pour une fois qu'elle partageait un truc avec son frère.
C'est à cette soirée, sa première défonce, qu'elle rencontra Maël. Elle était en train de dégueuler dans la cuvette, elle dégueulait comme jamais. Elle n'en avait pas l'habitude, elle vomissait peu et encore moins pour de l'alcool. Du coup elle avait direct filé vers les toilettes les plus proches et s'était engouffrée dans un toilette et avait tout lâché. Ses cheveux lui barraient le visage et elle détestait cette sensation, puis le sol était froid et dégueulasse. Elle n'osait même pas imaginer ce qui aurait pu arriver d'autre dans ces toilettes. Ruth continuait de se vider quand elle sentit qu'on lui soulevait les cheveux. N'y faisant pas réellement attention, elle ne s'en rendit comte quand elle eût fini. Un garçon un poil plus âgé qu'elle avait fait ce simple geste. Il avait le teint pâle ce qui révélait ses nombreux bleus qu'il avait pu recevoir, il semblait sympathique. Il relâcha ses cheveux et se recula pour la laisser sortir hors des toilettes après avoir tiré la chasse. Ruth avait encore le goût acide de la gerbe dans le bouche et elle fila au lavabo pour se la rincer.
« Merci... » Souffla-t-elle avec un petit sourire. Elle ne voulait pas quitter ces toilettes, elle s'assit donc contre le mur, bientôt rejointe par ce gars.
« De rien. » Répliqua-t-il. Mais le regard de Ruth ne pouvait pas se retirer de tous ces bleus qui marquaient son visage.
« Tu t'es battu ? » Demanda-t-elle. La drogue la faisait agir bizarrement. Si elle avait été encore normale elle aurait fait sa timide et ne lui aurait rien demandé, mais là c'était différent. Il baissa les yeux.
« Pas vraiment. » Ruth acquiesça, ne voulant pas en demander plus. Elle prit sa tête dans ses mains et se mit à pleurer. Pourquoi maintenant, elle n'en savait rien. Mais elle en avait besoin, elle en avait marre d'être droguée, elle en avait marre de son frère qui fuguait, elle en avait marre de vivre avec trois sous, elle voulait voyager et voir les autres pays !
« S'il te plaît, arrête de pleurer... » Lui implora le gars, ce qui ne la fit pas des masses cesser. Ruth savait pourtant que de voir une fille pleurer déstabilisait énormément un garçon mais ils ne se connaissaient même pas et il s'en voulait.
« C'est pas de ta faute... » Dit-elle entre deux sanglots. La brune s'essuya les larmes avec le revers de son bras, laissant une coulée d'eau sur celui-ci.
« Je déteste ma vie. » Pensa-t-elle tout haut.
« On est deux. » Elle se rapprocha de lui et posa sa tête contre son épaule.
« Ruth. » « Maël. »Ruth était bien, elle se sentait à l'aise, elle n'avait aucune raison d'avoir peur. La fumée s'échappait de sa bouche doucement. On y voyait presque trouble dans cette pièce totalement close, tellement tout le monde à force d'expirer, remplissait la pièce de sa propre fumée. Les cartes furent dévoilées, les jetons posés.
« Tu as perdu. » Un sourire se dessina sur le visage de Maël. La mère de Ruth se demandait pourquoi elle achetait cette lingerie fine et c'était pour faire des choses réellement stupides. La brune retira son t-shirt, laissant apparaître ses nouveaux sous-vêtements et revira son short. N'importe quelle fille aurait détesté se mettre en telle tenue devant des amis -ou pas cela dit- mais Ruth en avait l'habitude et à force tous connaissaient par cœur son corps. Elle n'était pas douée au strip-poker. Ruth n'était pas pudique en soi, mais elle avait l'horrible impression d'être très poilue, raison pour laquelle elle s'épilait systématiquement la veille de ces soirées.
« Ruth t'as pas d'autres potes à nous présenter, c'est pas qu'on t'aime pas mais bon on te connaît par cœur question strip-poker. » Confia Jake.
« Mon chou, la viande fraîche tu vas te la chercher. » Répondit-elle du tac au tac. C'était vrai après tout, il n'y avait pas écrit Meetic sur son front ! S'il voulait coucher, il ne fallait pas compter sur elle. Les gars pouffèrent en jouant, ayant écouté d'une oreille leur conversation. C'était la seule fille du groupe. Des fois il y avait Jackie mais c'était rare, elle bossait au bar le soir donc elle venait quand elle pouvait. Mais y avait ce respect qui l'étonnait, ils ne lui avaient jamais fait d'avances. Du moins Maël lui avait confié qu'ils la trouvaient à leur goût mais jamais aucun d'entre eux ne l'avait touchée. Au départ elle appréhendait ce groupe, finalement elle y trouvait pleinement sa place et pour rien au monde elle ne le quitterait. Désormais elle avait changé. Elle se droguait de temps en temps, elle buvait et allait en soirées. Ses parents avaient noté ce changement, et pourtant elle refusait de redevenir ce qu'elle était avant. Depuis qu'elle connaissait Maël, sa vie avait changé. Littéralement. Il lui avait apprit à s'amuser et à profiter de sa vie. Lors de leur rencontre elle était sortie différente de ces foutus chiottes où ils avaient parlé de leur problèmes et où ils avaient appris à se connaître. Ce n'était pas rare qu'elle dorme chez lui (en revanche un peu plus dur pour lui de dormir chez elle à cause de sa fratrie) voire dans le même lit par manque de temps et par flemme d'installer des couvertures sur le canapé. Il était amusant et gentil avec elle. Pourtant elle savait qu'il souffrait, il avait besoin d'amour de sa mère depuis que on père était parti et elle tentait de compenser en lui donnant tout l'amour qu'elle pouvait. Mais elle n'y arrivait pas, elle ne pouvait pas lui donner toute la compensation affective qui lui manquait, un trou était béant dans sa poitrine. Maintenant la soirée avait touché à sa fin et presque tout le monde se rhabillait.
« J'peux dormir chez toi ? mes parents vont me tuer. » Demanda Ruth à Maël. Jake siffla, ce qu'il faisait à chaque fois qu'elle demandait à Maël de dormir chez lui. Elle roula des yeux en attendant la réponse de son meilleur ami.
« Bien entendu ! » Elle sourit et ils partirent chez lui. Depuis bientôt trois ans qu'ils se connaissaient, elle ne s'était jamais sentie aussi proche d'une personne. Et c'était certainement ce qui allait les briser, ce qui allait les faire se séparer ; leur amitié si forte leur ferra faire des choix et pas toujours les meilleurs.
Ruth n'aimait pas quand elle restait pas très loin de l'endroit où Maël allait chercher sa drogue. Vue qu'elle n'en consommait que peu elle n'en n'avait pas besoin autant que lui. Ils étaient presque tout le temps ensemble et elle l'accompagnait souvent à ses endroits de deal avant une soirée. Elle avait les mains dans les poches du manteau de son meilleur ami car elle lui avait dit quelques minutes auparavant qu'elle avait froid. Puis il était parti, l'air sûr de lui vers l'endroit qu'elle ne connaissait pas mais qu'elle ne voulait pas connaître. Ses doigts bougeaient dans ses poches, elle se sentait pas très rassurée. De puis elle sentait le couteau qu'il avait toujours sur lui dans celle de droite, elle faillit même se couper en oubliant qu'il l'avait. Il faisait nuit, il faisait froid et elle avait peur et qu'une seule envie : se blottir contre Maël pour qu'il la protège. Cela faisait maintenant bien cinq minutes qu'il était partit et elle commençait à se faire du soucis, ses petits sourcils se fronçant en déformant son visage et son regard posé sur son cellulaire pour surveiller l'heure. Seul le bruit de sa respiration brisait le silence morbide qui régnait autour d'elle. Quand soudain, tout se passa très vite. Elle sentit de forts bras passer autour de sa taille et même si Maël était musclé il n'avait pas cette force, elle se fit attirer vers l'inconnu qui visiblement ne lui voulait pas que du bon. Elle hurla automatiquement et empoigna le couteau qu'elle titillait depuis cinq minutes dans sa poche. Son geste fût à l'aveugle dans la pénombre et un nouveau cri venant de l'agresseur se fit entendre. Un cri sourd à donner froid dans le dos. Mais que lui avait-il voulu ? La violer ? Peut importe, elle ne réalisait toujours pas ce qu'elle avait fait. Pourquoi ne bougeait-il plus ? Où l'avait-elle touché ? Ruth s'agenouilla près de l'inconnu en pleurant. Même s'il lui voulait du mal c'était trop pour elle, elle ne s'était jamais imaginée faire une chose pareille. Maël arriva mais elle ne l'écouta presque pas tellement son esprit était concentré sur cet agresseur qu'elle venait de...
« Il s'est passé quoi putain ?! Qu'est-ce que t'as fait ?! Il est mort Ruth ! » Mort ? Elle ? Couteau ? Machinalement elle resserra sa main autour de l'arme qu'elle tenait toujours.
« Je... Je suis désolée. » Soupira-t-elle à son agresseur en le regardant dans une petite flaque de sang. Son meilleur ami expliqua qu'il allait se faire porter le chapeau à sa place.
« Non tu pars pas. » Dit-elle alors qu'il se retournait avec le couteau tandis qu'il la laissait là où elle était. La brune ne réalisait pas encore que tout allait changer désormais.
« TU PARS PAS ! » Hurla-t-elle comme jamais elle avait crié, la faisant partir dans des suraigus qu'elle ignorait avant ce soir. Mais il ne se retourna pas. Et elle s'effondra sur le sol à pleurer toutes les larmes que son corps avait en stock, se retrouvant pleine de sang malgré tout, du sang qu'elle venait de faire couler.
« Ruth... » Maël était là devant elle, souriant, les bras ouverts. C'était son plus beau rêve depuis plusieurs mois. Elle sentait des larmes couler le long de ses joues. Pourtant elle ne s'était jamais sentie aussi heureuse de sa vie. Il prit son visage dans ses mains en essuyant ses larmes grâce à ses pouces.
« Tout va bien, je suis là... » La rassura-t-il en la prenant dans ses bras. Elle se jeta presque dedans, sentant son odeur, sa peau chaude contre la sienne, la douceur de ses bras, sa voix grave, son sourire... Tout ceci lui avait tellement manqué. Elle aurait donné tout son argent pour le voir ne serait-ce que cinq minutes, lui parler, l'entendre mais c'était impossible, il avait vraiment tout plaqué sans rien lui laisser même pas une adresse ou un numéro. Rien. Et cela lui brisait le cœur.
« Ruth debout. » Ordonna une voix sèche et trop familière désormais. C'était la fin de son rêve, du seul moment où elle pouvait cesser de se torturer l'esprit. Elle soupira et se leva. Elle était obligée de plier aux ordres. Ruth fit rapidement sa toilette et sortit de sa cellule pour rejoindre le réfectoire. Les gens ne la croyaient jamais quand elle disait qu'elle avait tué un homme. Il la regardaient de haut en bas et rigolaient
"Tu mens ma petite" et passaient leur chemin. Qui pourrait croire un truc pareil en même temps ? Elle, le petit ange, tuer un inconnu. Peter il s'appelait. Car elle était passée en procès et elle avait gagné deux ans de prison ferme avec deux mois de bracelet électronique. Elle avait bientôt purgé sa peine. Ses deux pensées principales étaient : Maël & Peter. Tout d'abord elle ne savait pas que penser de son meilleur ami. Le détester ou l'aimer ? En tous cas une fois toute cette affaire bouclée elle irait le voir pour lui demander des explications. Puis Peter, ce gars qui avait tenté de l'agresser mais qui avait été stoppé par un couteau auquel il ne s'attendait pas. Elle culpabilisait que la plupart du temps elle faisait des cauchemars de lui plutôt que des rêves avec Maël. Cela devenait presque impossible de vivre. Mais aller en prison lui avait fait rencontrer des gens réellement formidables auxquels elle ne s'attendait réellement pas de se lier d'amitié. Comme Jay, un gros balourd tatoué, cheveux longs, le cliché de loubard. Mais il avait pris Ruth sous son aile en quelques sortes, il s'adoussisait réellement en sa présence. C'était donc tout naturel qu'elle le rejoigne au réfectoire.
« Hello. » Dit-elle en posant son plateau avec ses céréales sans goût.
« Hey miss. » Elle sourit en avalant une cuillère.
« J-6 pour mois. » Déclara-t-elle en baissant les yeux. Elle savait que Jay en avait pour un peu plus d'attente.
« Petite veinarde, c'est grâce à ta tête d'ange c'est pour ça. » La taquina-t-il. Ruth rigola nerveusement.
« J'vais être paumée. » Déclara-t-elle.
« T'auras cas retrouver Maël ? » « Mais je sais même pas où il est parti et puis j'ai pas d'argent ! » Se désola-t-elle. Il était clair qu'en cette position il lui était littéralement impossible d'envisager quoique se soit.
« Tu vas trouver une solution va. Mais promets moi de m'appeler. » « Juré craché ! »