Je déposais mes valises dans une petite chambre. J’observais autour de moi les multiples photos d’une amie. Je remerciais le ciel d’avoir pu quitter le New Jersey et Princeton en trouvant une solution de rechange. Enfin solution… J’avais atterri dans une petite ville qui me semblait complètement paumé et pourtant idéale. Je serais certainement plus tranquille ici, loin de tous les problèmes que j’ai failli m’attirer là-bas. Je ne pouvais pas continuer, même pour des études qui me tenaient à cœur. L’école était bien trop chère mais est-ce que ça valait la peine de vendre son corps pour arriver à ses fins ? Je n’étais pas prête à ça… J’espérais alors repartir de zéro ici, mettre de côté et voir à étudier peut-être plus tard dans une université moins coûteuse pour enfin réussir mes études de Lettres. J’avais alors la chance de m’être fait une véritable amie à Princeton (Mélody) qui, pour me tirer de mon mauvais pas, téléphona à une amie d’enfance (Mia) à elle pour lui demander si elle pouvait m’héberger le temps que je trouve de quoi me retourner. Mia avait gracieusement accepté de me donner la chambre de son ancienne colocataire (Lucy). La condition avait été simple. On me laissait deux mois pour trouver un travail afin de pouvoir rembourser le billet d’avion de Mélody et aider à payer les frais de l’appartement de Mia. Celle-ci entra alors dans la chambre :

« L’appartement est petit et ce n’est pas le grand luxe mais c’est tout ce que j’ai. »

« Ça ira bien. »

« Tiens ! »

Elle me balança une tenue à la figure. Surprise, je regardais de plus prêt. Je découvrais un t-shirt un peu sexy en noir avec le nom « Rummer Jammer » au niveau du sein gauche.

« Je t’ai arrangé un essaie ce soir. 18h. Tu assures et tu as la place. »

Elle me laissa alors déballer mes affaires et commencer une nouvelle vie… Je me présentais à l’heure. Je n’avais jamais été serveuse ou barmaid avant. Je dus m’appliquer et si le patron n’était pas trop chaud pour me laisser la place, je sus le convaincre de me laisser voir au bout d’un mois les progrès que je pourrais faire. Je voulais m’en sortir. Il accepta en me rappelant bien qu’il me mettait à l’essai. Je ne m’en tirais finalement pas si mal que ça.

Avec le temps je devins doué. J’oubliais mon passé. Je tournais une fois de plus la page. Je n’étais pas du genre à m’attarder sur le passé. Il y aurait bien longtemps, dans le cas contraire, ne pas avoir pu continuer…

Très jeune je perdis mes deux parents dans un accident de voiture. Elevé par ma tante, le jour de son propre décès alors que je n’avais que 18 ans, j’aurais pu m’effondrer, refuser d’avancer. A l’époque je sortais avec un type (Mike) désireux d’aventures et de liberté. Il rêvait de franchir l’océan pour rejoindre l’Amérique. Il tenta alors de me convaincre :

« Bébé, imagine… Aux States ! Tu pourrais recommencer tout de zéro. Avec l’héritage de ta tante, tu nous payerais le billet. On irait dans la ville de ton choix. Les portes de Yale, Princeton ou Harvard ! Tu ferais les études dont tu as toujours rêvé ! Tu deviendrais écrivaine ou peut-être même scénariste dans le cinéma ! Imagine… Le rêve. Tu deviens riche. Tu as ta maison. On se mariera et quel pied d’avoir autant de frics… »

« Oxford aussi peut être intéressant… »

« Et rester en Angleterre ? Sérieux bébé on serait bien mieux aux States. Imagine… Une immense villa… Une piscine… Et un chien qui court dans le jardin. Tu n’en rêves pas ? »

« Si… »

Il n’eut pas de difficulté à me convaincre. Depuis la mort de mes parents, j’avais choisi de vivre au jour le jour sans me poser de question. Oui je pensais à l’avenir, ce qui faisait mon très bon niveau d’études mais je voulais surtout profiter de chaque jour, chaque minute, chaque moment parce que la vie pouvait s’avérer être courte. La mort de mes proches étaient douloureuse, je ne disais pas ne pas en pleurer mais elle m’aidait à me convaincre : nous n’avons qu’une vie et il fallait la vivre. Je dis oui pour les Etats-Unis sans écouter mes copines qui me disaient de me méfier de mon petit ami. Il avait la réputation d’un beau salaud qui magouillait constamment. Moi il me faisait rêver et je le suivis aveuglément à l’âge de 18 ans en passant mes économies dans les deux billets, les droits d’entrée à Princeton et les premiers mois de loyer de notre appartement. Seulement très vite je compris que le rêve ne pouvait pas durer sans trouver un travail. Par manque d’expérience, je ne subissais malheureusement que des portes. Mike eut alors une idée. Il m’emmena à une soirée en me demandant de m’habiller de façon classe et sexy. L’aimant, j’obéissais aveuglément. Je m’accrochais à notre rêve et j’étais prête à tout pour ça. Je me retrouvais alors très vite à jouer le rôle de parure pour les hommes. Je n’étais pas idiote mais je ne réalisais pas comment j’avais pu me laisser doucement impliquer dans ce réseau dont mon petit ami faisait partie. D’un physique qui plaisait, je me faisais payer pour accepter la compagnie d’homme plus ou moins âgé. Je ne dirais pas être fier de servir d’objet mais quel mal y avait-il de vouloir payer une école dont les frais dépassaient l’entendement ? Les choses se firent étapes par étapes. Mike ramenait des personnes de plus en plus louches à la maison. Au départ c’était seulement des bières trainant sur la table basse et très rapidement ça se termina sur de la poudre blanche dont je ne voulais même pas imaginer l’origine. Je connaissais l’illégalité des actions de mon petit ami mais je ne disais rien. Je croyais l’aimer et jamais il n’a été mauvais avec moi. On est bien capable de fermer les yeux sur certaines choses quand votre couple fonctionne et que vos études se passèrent très bien.

A Princeton je rencontrais Mélody. Elle avait la chance d’avoir une famille riche qui lui payait l’école. Je lui cachais mes activités. Ayant suffisamment d’argent pour pouvoir assurer les sorties et les frais de mon école, je passais plutôt inaperçue jusqu’à ce que je la croise à une de ces soirées où elle était. Je dus lui expliquer tout dans les toilettes de l’hôtel où se passaient les festivités. J’étais escort girl… Elle désapprouvait. Je la rassurais en lui disant ne pas coucher avec mes clients. Elle me demanda si mon petit ami était au courant. Bien évidemment, c’est lui qui m’avait trouvé ce travail. Elle ne me comprenait pas mais ne me jugeait pas. Elle me préconisait juste d’être prudente et de venir la voir si j’avais un souci.

Les choses ne mirent pas longtemps à déraper. Un client, désireux d’aller plus loin qu’une simple escort, demanda à mon « patron » contre remise d’une somme bien plus importante, de prolonger le plaisir plus intimement. Etais-je au courant ? Vous voulez vraiment une réponse à cette question ? Il me demanda de monter dans sa chambre. Je le suivais. Cet homme se rapprocha dangereusement de moi. J’ai reculé, lui disant que ce n’était pas dans le contrat. Quelle surprise alors pour moi de voir son sourire aux lèvres et de l’entendre me dire :

« Oh si ça l’est. C’était convenu entre Mike et moi pour que je puisse t’avoir comme je l’entendais. Il m’a assuré de ton consentement… Je viens ainsi chercher le fruit de notre accord. »

Il m’embrassa mais je le frappais. Ça ne l’arrêta pas. Il me plaqua contre le mur de la chambre, me bloquant pour tenter de me déshabiller. Je refusais de me laisser faire même pour payer mes rêves. Je pouvais bien escorter mais devenir une prostituée, jamais de la vie. Je n’étais pas prête de vendre mon corps de cette façon pour arriver à mes fins. Un coup de genou m’échappa. Il me traita de petite garce en tombant au sol. Je profitais de l’instant pour filer avant qu’il ne m’attrape et que je ne me retrouve coincée. En courant pour sortir de l’hôtel, je ne me suis pas retournée une seule fois. J’ai pu attraper un taxi à temps. J’avais les mains tremblantes. Je tentais de me calmer. J’allais donner la direction de mon appartement mais je repensais aux paroles de ce client. Mike était derrière tout ça. Je choisis de filer chez Mélody. Arrivant en pleurs, je dus tout lui expliquer. Selon elle, je ne pouvais pas rester en ville sans risque. Elle me proposait de quitter la ville et de m’éloigner de Mike qui lui semblait bien trop dangereux depuis le début. C’est ainsi qu’en peu de temps je m’étais retrouvée dans l’avion avec pour destination une ville bien plus tranquille. Tout ce que je voulais à cet instant c’était juste oublier. Mes études étaient secondaires. Je ne voulais pas revivre ça… Je voulais pouvoir croire les reprendre plus tard mais je savais que leurs prix étaient bien trop élevés pour moi.

Réfugiée à Bishopville, je devins ainsi barmaid et serveuse avec un salaire de misère qui ne ressemblait vraiment pas à celui que j’avais pu me faire en tant qu’escort girl mais qui me semblait déjà plus digne même si esquiver les mains aux fesses devenait un challenge sur les temps de rush un samedi soir par exemple. Je ne perds cependant pas espoir. Je me sers la ceinture, je relève la tête et j’avance avec peu à peu de nouveau rêve. Si je ne peux faire mes études et si je ne voulais pas devenir serveuse toute ma vie il fallait que je trouve une issue et pour ça une seule voix me semblait tout indiqué : le monde du spectacle. Chanteuse, danseuse ou actrice, peu m’importait. C’était un rêve qui me permettrait de me sortir de cette misère où je me retrouvais le plus souvent à devoir jouer de mes charmes pour augmenter les pourboires et réussir à payer ma part du loyer. C’est de cette façon que je rencontrais Léo. A ce moment, ce n’était qu’un client comme un autre qui pouvait juste agrandir un peu ma tirelire. Je ne fis pas plus attention à lui. Notre seul échange fut bien "C'est 4 Dollars." et un sourire qui se voulait charmeur du style "Tu as le droit de donner plus !". Sur le coup, je n'avais pas fait attention à lui. C'est en venant courir dans le parc, que je le vis pour la deuxième fois, là assis sur un banc sur son pc à pianoter je ne sais quoi. Il avait ce petit air sérieux et craquant. Sur le coup je ne fis pas le rapprochement avec le jeune homme radin du bar qui, soit dit en passant, ne donna que 1 dollar de plus... Quelle ironie alors quand le destin décida de croiser une troisième fois notre route, sur un de mes jours de repos, dans un bar. Cette fois-ci je le reconnus et il fut plus facile de l’approcher. Avais-je remarqué qu’il pouvait être mignon ? Prise par l’envie de me changer les idées et pour une fois de me décontracter, j’allais très certainement vouloir le séduire… Attirée très certainement par ce petit quelque chose sans mettre un nom dessus, pourquoi alors pour une fois ne pas agir sans conséquence et voir par la suite ? Il était hors de question d’oublier de profiter de la vie. Après tout, je n’avais encore que 24 ans et Léo allait très vite comprendre à quel point j’avais le goût de la vie…