Il était si fier, son allure son sourire, sa démarche, tout le monde se retournait sur son passage. Il faisait partie de l'élite du lycée et son quota de popularité ne cessait d'augmenter. Les filles l'adulaient, les hommes l'enviaient et le jalousait et pourtant, il était loin d'être l'homme parfait. Certes, il excellait dans toutes les matières et il obtenait tout ce qu'il désirait, mais son caractère le trahissait à chaque fois. Il se considérait lui-même comme un macho et comme un salaud, il assumait complètement. Des cœurs il en a brisé et pas qu'un seul. Il était sournois, dragueur et même si la fille qu'il désirait était en couple, cela ne durait jamais très longtemps vu qu'elle ne résistait jamais à son charme. « Je croyais que nous deux s'était sérieux. » « Ça l'était. » « Tu veux que je te rappelle la définition du mot sérieux ? Ou bien celle de la fidélité. » Son sourire s'élargissait jusqu'à ses oreilles. Il était carrément satisfait, une de plus pensait-il. Alors que certains auraient honte du personnage qu'il était devenu, Morgan en jouait beaucoup. Sa mère n'y voyait aucun inconvénient, du moment qu'il restait respectueux et cordiale avec elle. Elle aimait son fils plus que tout au monde. Ella Summers n'avait jamais pu avoir d'enfant et depuis l'arrivée de Morgan dans sa vie, elle vit dans le mensonge. Elle ne se vantait pas de ce qu'elle avait fait. Elle avait volé "son enfant" à la naissance, prétextant que celui-ci était mort-né, privant cet enfant d'une famille nombreuse et d'un frère jumeau, dont il ne connait pas l'existence, enfin pas encore. Malgré cet acte, il était sa fierté, l'enfant dont elle avait rêvée, mais lui avouer ce qu'elle avait fait la faisait passer pour une mère immonde et surtout pour une voleuse ainsi qu'une malhonnête. Durant toute son enfance ainsi que son adolescence, Morgan n'a jamais douté. Ses cheveux étaient identiques à ceux de sa mère, ses manières étaient les mêmes, en revanche, il y avait quelque chose qu'elle n'avait pas, son sens de l'humour et ses yeux. Ils étaient d'un bleu splendide et l'on s'y perdait. Dignement, Morgan obtenait son diplôme de fin d'étude et sa mère l'encourageait davantage à prendre son envol. Certes, l'université d'Harvard n'était pas à l'autre bout du pays, mais quelques kilomètres la séparait de New York. Morgan avait choisis la médecine, comme sa mère, infirmière depuis plusieurs années à présent. Il était certain de son choix et d'ailleurs, les frais de sa scolarité n'étaient pas donnés. Certes sa grand-mère avait placé des sous de côtés dès sa naissance, mais cela ne suffisait pas et le jeune Summers envisageait donc une autre solution. Sachant qu'il touchait beaucoup à la mécanique, il a travaillé pendant toutes ces années en tant que garagiste afin de pouvoir s'en sortir. Ce n'était pas facile, car il étudiait beaucoup, il n'avait que très peu de temps pour dormir et il faisait beaucoup la fête. Cependant, quand on veut, on peut dit-on. Et désormais le voilà titulaire urgentiste et il ne regrette absolument rien, il est épanoui dans son travail.

   « Que s'est-il passé ? » « Il est tombé d'un échafaudage. » « Combien de temps ? » « Une heure peut-être. » « Je ne veux pas de peut-être, un oui ou un non. Conscient ? » « Partiellement. » Jetant un coup d'oeil à son interne, Morgan affichait une moue dévastatrice. Des morts, il en voyait tous les jours, mais cela ne l'empêchait pas de se battre pour les autres. Il ne voulait pas laisser mourir ses patients, il voulait les sauver et montrer de quoi il était capable. Déjà six mois que Summers est devenu titulaire, il donne des ordres, il est froid et distant, et pourtant il est passionné. Son métier c'est toute sa vie, il ne pourrait pas vivre sans cela. Quelques heures avaient passé à présent, la journée avait été terriblement longue et Morgan était littéralement à deux doigts de se laisser tomber à terre. Cela faisait peut-être vingt-quatre heures qu'il n'avait pas dormi et ça se ressentait dans tout ce qu'il disait. Il pénétrait dans son appartement, tirant sur son mégot, il filait prendre une douche comme à chaque fois qu'il rentrait d'une dure journée, puis il s'allongeait sur le canapé. Lana Richardson prenait place dans le salon, ses cheveux bruns ondulaient le long de ses épaules et son sourire cristallin la rendait d'autant plus attirante. Sa main effleurait le torse de son fiancé, délicatement, tandis que son regard bleuté se plongeait dans le sien. Elle l'aimait, elle aurait tout fait pour lui, sacrifier sa carrière, renoncer à sa famille et pourtant, il n'était pas aussi honnête avec elle. Oui, une partie de lui l'aimait sincèrement, mais son penchant pour l'alcool et pour les filles ne l'aidaient pas, il était si machiste et arrogant que cela en devenait désespérant. « Tu as une petite mine mon amour, tu vas bien ? » Il relevait la tête, esquissant un petit sourire au coin de ses lèvres rosés. Elle l'impressionnait, elle était si gentille et si dévouée à cette relation qu'au fond, ça le blessait. Mais pourtant, il était si méprisant. Elle l'admirait attentivement, n'ayant qu'une seule envie, lui renverser son verre de whisky, qu'il tenait fermement dans sa main. Elle gardait ce sourire d'ange, faisait l'innocente, attendant seulement qu'il lui annonce son adultère. « T'fais pas de soucis, j'vais bien ! » Lâchais-il nonchalamment. Il était si froid que ça glaçait le sang. « Tu n'as rien à m'annoncer ? » « Hum, Jeff a glissé sur un sac plastique ? » Elle secouait la tête négativement, attendant qu'il fasse un effort. Il faisait mine de réfléchir. « Ah je sais ! Wren va se marier ! » « Toujours pas. » « Je sèche, dis-moi. » « Si je te dis Mila, blonde, barmaid, tu penses à quoi ? » « A une fille blonde qui s'appelle Mila et qui est barmaid ! » « Sérieusement Morgan ! » « Très bien, je plaide coupable. » Il ne niait même pas, il savait parfaitement qu'à ces propos, il renonçait entièrement à elle. Cela le blessait, mais il ne pouvait pas lui mentir, il avait couché avec une autre fille et il ne se rappelait même pas de son prénom. Elle n'était pas bête, elle avait tout ce qu'il fallait pour faire craquer à un homme et Morgan venait, une fois de plus, de tout gâcher.

19 Octobre 2013. « Et voilà, vous y êtes, Bishopville. » « Merci ! » Descendant du taxi, Morgan saisissait ses valises dans le coffre de la voiture. Il admirait l'immense maison qui se trouvait face à lui, il n'avait jamais mis les pieds ici et le regard que portait les habitants sur lui l'importait peu. Il lâchait un long soupire, pénétrant dans la baraque, il visitait les lieux, frôlant les murs, inhalant l'odeur du parfum fleuri de cette vieille maison. C'était comme prendre un nouveau départ pour lui. Quatre mois après sa séparation avec Lana, il se sentait libre comme l'air. Il comptait s'installer ici et y construire un futur. C'était loin d'être aussi grand que New York, c'était nettement plus paisible et conviviale qu'il n'aurait pensé. Sa mère n'avait pas été très enthousiaste lorsqu'il lui avait annoncé la nouvelle. Elle ne voulait pas être loin de son fils et elle ne désirait pas non plus qu'il découvre que toute sa vraie famille résidait ici. C'était un tissu de mensonges qu'elle aurait préféré éviter de révéler, et pourtant Morgan se sentait déjà comme chez lui ici. Il avait demandé sa mutation ici lorsqu'il avait appris qu'une de ses tantes lui léguait sa demeure. C'était un très beau geste, même s'il ne connaissait pas l'existence de cette femme. Il portait son attention sur des photos positionné sur le buffet du salon, elle semblait si heureuse et si seule. Il y avait des photos d'elle étant jeune, d'autres en compagnie de sa famille et c'était très reposant. Bishopville aurait certainement été le dernier endroit où il serait allé quelques années plus tôt, mais à trente ans, il fallait qu'il change d'air. La grande ville c'est bien, attrayant, avec toutes ces fêtes aussi déjantés les unes que les autres, ces gens si pressés, cette pollution qui rôde. Ici, cela semble différent et c'est ici qu'il veut être.

« Tu vas vraiment le faire ? » Demandait-il, alors qu'il se postait devant sa meilleure amie. « J'ai besoin d'un nouveau départ. » « Alors tu m'abandonnes. » « Écoute Morgan, je n'ai pas ma place ici, je n'y arrive plus, j'ai besoin de retourner à New York. » « Bien. » Lâchait-il, froidement, alors qu'il glissait délicatement sa main dans sa chevelure brune. « Tu vas me manquer Shae. » La brunette baissait instinctivement les yeux, préférant esquiver son regard pour ne pas céder. Tous les deux, ils avaient vécu de très belles choses encore, ils étaient devenus amis en fac de médecine et ils avaient travaillé ensemble pendant plusieurs années, avant que Morgan n'atterrisse ici. Cela lui faisait mal de la voir partir, de voir celle qu'il aimait réellement s'envoler, comme un oiseau quitterait son nid. Une dernière étreinte et voilà qu'il l'accompagnait dehors jusqu'à son taxi. Des perles salées venaient ruisseler sur le visage de Brocklebank, alors qu'elle lui lançait un dernier regard. « Prend soin de toi. » Murmurait-il, pour que la brunette puisse lire sur ses lèvres. Morgan était désemparé, tout simplement pris au piège avec lui-même. Shae l'abandonnait au moment où il avait le plus besoin d'elle. Son opération le faisait souffrir parce qu'il ne pouvait plus exercer son métier pendant un certain temps. Il avait tant espéré qu'elle soit là, qu'elle le soutienne et qu'elle lui change les idées, mais il pouvait chasser ces idées de sa tête. Il ne lâchait pas le taxi du regard, c'était bien plus dur qu'il ne l'avait imaginé. Le temps d'une seconde, il laissait sa fierté de côté, exposant aux autres sa détresse. Ce fut de courte durée, mais le jeune homme avait besoin de craquer. Bishopville sans Shae, c'était comme Rose sans Jack. Un vide, voilà ce qu'il ressentait.