À sept ans, on ignore encore tant de choses sur la vie. C'est à peine si on sort de notre phase « enfantine », on va à la petite école et on apprend tranquillement comment bien écrire, mais ô combien ignore-t-on des choses du monde à l'extérieur. Et la première fois que j'en ai appris un peu plus sur les relations amoureuses, ce fût à sept ans, lorsque mes parents m'ont amené à cette fête foraine en ville. On était de sortie avec ma petite soeur, Leana, et on attendait en file pour faire un prochain manège. Inattentif à tout ce qui se passait autour de moi, je regardais dans les airs, où les sièges s'élevaient très haut, et j'étais impressionné. C'est la voix de mon père qui m'a tout d'abord alerté. « Ah non mais franchement, faire ça devant tous ces enfants, ils n'ont pas honte un peu ?! » Il semblait chuchoter à ma mère, et enfin son ton s'est amplifié, comme s'il essayait de se faire entendre par d'autres personnes. Puis, je les ai vu. Deux hommes, pas très âgés selon leurs visages, se tenaient la main un peu plus loin et étaient avec quelques personnes qui semblaient ne se soucier de rien. Moi non plus, je n'aurais rien remarqué, si mon père n'avait pas commencé à les dévisager avec offense. « De la mauvaise graine ces gens-là ! Comme si on avait besoin de ça dans notre société ! » Puis, voyant que les hommes l'ignoraient, il s'était emporté et nous avions dû nous déplacer pour se rendre dans la file d'un autre manège, un peu plus loin et hors de vue. La tête basse, je commençais alors à me sentir mal... et je n'arrivais pas à comprendre pourquoi. Ces deux personnes, qu'avaient-elles donc fait qui était si mal ? Elles se tenaient la main, semblaient amoureuses... alors pourquoi mon père s'indignait-il ? Oh bien sûr, plus tard, j'ai compris alors ce que mon père pensait, mais sur le coup, je me questionnais. Peut-être n'étais-je pas normal au fond, car moi aussi, il m'était arrivé de tenir la main de Daryl sur l'heure du déjeuner... Certes, nous le faisions toujours sous le toboggan dans le terrain de jeux extérieur de l'école, cachés du regard des autres, mais Daryl disait que ses amis riraient s'ils le voyaient avec quelqu'un... et je ne m'étais pas questionné non plus, lorsque ses lèvres s'étaient déposés sur les miennes tout doucement, jeudi dernier, et que nos mains s'étaient liés une fois de plus. Certes, en voyant la réaction de mon père à cette idée, je m'étais replié sur moi-même, cherchant à comprendre pourquoi il pouvait tenir la main de ma mère, lui, si c'était si grave pour les autres...

Quand on trouve notre âme soeur, cette personne qui fait battre notre coeur à elle seule... je crois qu'on le sait tout simplement. Il n'y a pas de mot pour décrire ce sentiment. Encore moins pour le réaliser complètement. Pourtant, si Ethan a longtemps été mon meilleur ami, je sais que tout est vrai dorénavant. Même si, aux yeux des autres, ça ne l'est pas. J'ignore comment c'est arrivé, je dois avouer que je dois avoir perdu la notion de la réalité et du temps depuis que ses lèvres ont effleuré les miennes... néanmoins, je suis persuadé que je ne rêve pas. Du plus profond de mon être, j'ai toujours su que je n'étais pas comme les autres... Dès mon plus jeune âge, je n'étais pas attiré par ces filles comme les autres garçons, mais je me renfrognais plutôt de jalousie en me disant que j'aurais bien aimé être regardé ainsi par eux, à la place. Ainsi, tomber amoureux de mon meilleur ami ne m'a pas surpris... mais je sais malheureusement que notre histoire sera compliquée. Si j'ai toujours caché mon homosexualité aux autres, je comprends que c'est tout nouveau pour le jeune homme. Il vient tout juste de subir un choc, alors je ne veux pas le pousser... et si l'on a décidé ensemble de garder notre relation pour nous, du moins pour le moment, je suis d'accord avec cette idée. Il serait sans doute bien trop effrayant de le dévoiler à nos proches, spécialement à nos familles... alors, même si cela me fait mal de ne pas pouvoir le toucher ou même l'embrasser en public, je ne peux que ressentir du bonheur à l'état pure à l'idée que, ce mec-là, seulement moi peut poser mes lèvres sur les siennes et sentir son regard sur moi comme il aime tant le faire...

Je n'en pouvais plus. Trop. C'était beaucoup trop à prendre pour une seule personne. En rentrant à l'appartement ce soir-là, j'avais claqué la porte de toutes mes forces derrière moi et je m'étais écroulé contre celle-ci, bien heureux de me retrouver seul à l'appartement. Ethan n'était pas là, ayant la clef pour venir ici, mais c'était peut-être mieux ainsi. Si j'aimais lui parler de toutes mes préoccupations, j'avais besoin d'être seul... et, enfin dans mon intimité, je laissai les larmes s'écouler le long de mes joues... pour finalement s'écraser sur mes genoux que j'avais ramené vers moi. C'était sans doute stupide, je le savais bien, mais je n'en pouvais plus de vivre avec toute cette comédie. Constamment, à tous les jours, quelque chose me faisait rappeler que je devais continuer de vivre dans ce mensonge... Si je me réveillais le matin dans les bras d'Ethan, je savais que nous devions garder nos distances aussitôt en société, pour ne pas attirer les regards et les soupçons.. et ça me faisait mal. D'autant plus que, ce soir, j'avais retrouvé mes parents pour un habituel dîner hebdomadaire en famille et, comme à l'habitude, on m'avait questionné sur ma vie amoureuse. Selon eux, il était étrange que j'étais encore célibataire et que je ne fréquente aucune fille.. mais comme je leur rappelais, je prétextais encore une fois que je préférais me stabiliser professionnellement avant toute autre chose. Et ça passait. Sans doute avec une certaine hésitation de leur part, mais ils ne me questionnaient plus. Cependant, ce soir, un peu plus que les autres, cela m'avait touché directement et, si j'avais failli leur dévoiler toute la vérité sur ma vie secrète, je m'étais retenu et avais prétexté un maux de ventre pour retourner chez moi. Ainsi, tandis que je commençais à sécher mes larmes, je vis qu'Ethan tentait de me rejoindre sur mon téléphone portable, mais pour quelque raison que ce soit, je préférai refuser l'appel et jeter mon téléphone sans regarder. Ce n'est que plus tard, lorsque j'étais étendu sur le lit dans la noirceur, les larmes encore présentes sur mes joues, que je sentis une présence à mes côtés. Ethan n'avait pas besoin de parler. Il savait. Et, lorsqu'il s'installa derrière moi pour me prendre tout contre lui, je laissai ses doigts s'entrelacer avec les miens tout en soupirant de bien-être. Je savais alors que, malgré la douleur, tout ceci en valait la peine. Il était mon âme soeur, celui qui me rendait heureux lorsque je ne l'étais pas.. et sa présence seule me réconfortait, comme s'il était mon ange gardien. Et c'est pourquoi je réussis à m'endormir tandis que ses lèvres se posaient sur ma nuque, me concentrant sur ce que mon coeur ressentait réellement.